Conduite à tenir face au suicide au travail
Il importe de distinguer les Grandes Entreprises des PME, et pour ce qui concerne les suicides survenus en dehors du lieu de travail mais susceptibles d’être liés au travail, ne pas sous estimer l’impact social au sein de l’entreprise, d’où la nécessité d’adapter au mieux les préconisations qui suivent.
Les grandes entreprises
Le jour du drame : Mobilisation de la cellule de crise antérieurement constituée (DRH, DG, MT, Psychologue, AS, IDE, Ingénieur HS, membre du CHS CT), répartition et coordination des rôles.
- Prise en charge du collègue décédé (comme pour un AT mortel)
- Simultanément :
- Annonce par le DRH ou DG du drame à la famille, la recevoir, l’accompagner par soutien moral, psychologique et matériel, et désigner un correspondant qui maintienne ce lien (membre de la DRH, AS ?)
- Alerte des services de Police, de prévention de la CRAM, de l’Inspection du travail.
- Déclaration AT
- Préparation du contenu et des moyens à mettre en place pour l’information orale par le DG et/ou DRH du personnel (proximité puis élargie ?).
- Mise en place de structures d’accueil et d’écoute qui permettent à chacun et aux collectifs de travail (sans la hiérarchie), d’exprimer ses ressentis, d’évoquer les tensions, les conflits, tous les éléments, peut être silencieux et qui ont pu participer à instruire la situation.
- Concernant les managers, la prise en charge tiendra compte du statut de celui-ci selon qu’il soit Mandataire Social ou simple Manager de proximité. Les éléments de souffrance inhérents au statut légitimant l’accompagnement du premier par un Conseiller juridique. Tous deux doivent pouvoir bénéficier d’un accompagnement psychologique.
- Mise en place d’actions de communication en interne et à l’externe qui actent les faits, leur gravité, qui témoignent de la préoccupation de l’entreprise et des engagements de celle-ci à instruire le plus objectivement possible les causes du drame.
Dans les jours qui suivent :
- Au niveau de la famille de la victime, maintien d’un lien avec l’entreprise par le biais du service social et/ou médical et/ou DRH, participation physique et financière aux obsèques, hommage à la victime au sein de l’entreprise (discours, minutes de silence, disponibilité pour assister aux obsèques…)
- Réunion extraordinaire du CHS CT et mise en place d’une enquête interne
- Recours à un intervenant externe au titre de la prise en charge psychologique du personnel en difficulté, et/ou intervenant expert sur les questions psycho socio organisationnelles du monde du travail
- Maintien et poursuite des structures d’échanges au sein des collectifs ou à titre individuel et dont l’intervenant, après la phase de débriefing, les réunions de débat, soit à même de capitaliser les récits, les analyser et soumettre aux participants des éléments de compréhension et d’action.
L’occasion est douloureusement donnée de recréer des espaces temps qui permettent au travers des mots, (des maux), de reconstruire du lien, des solidarités, d’ouvrir sur de nouvelles perspectives d’action, cela est essentiel pour ceux qui restent et qui, pour nombre d’entre eux, ont vécu ou vivent ces situations de privation de pouvoir d’action, d’isolement, de silence.
A moyen et long terme :
- Réflexion et élaboration de mesures visant à améliorer le vivre ensemble au travail,
(Qualité éthique des rapports sociaux, aménagement d’espaces temps de débat autour d’éléments de l’activité, …)
- Reconsidération des espaces de travail, des espaces de convivialité, des temps de travail, des temps de convivialité
- Mise en place d’indicateurs sur le présentéisme, l’absentéisme, les mouvements de personnel
- Sensibilisation et Formation des managers à la santé au travail
- Mise en place de modèles d’investigation des conditions de travail (environnement, organisation du travail, soutien social) qui permettent d’identifier, évaluer objectivement les niveaux de tension physiques et psychologiques des personnels et plus spécifiquement d’identifier les éléments qui entravent le pouvoir d’action, brident la dynamique de reconnaissance et tendent les rapports sociaux.
Les PME
Certaines PME (présence d’une DRH, d’instances représentatives du personnel.. .) peuvent s’inspirer de ce qui peut être préconisé pour les grandes entreprises, mais la majorité d’entre elles reste très démunie quant au rôle qui est le sien face au drame, quant aux moyens dont elle pourrait disposer pour y répondre.
Au-delà des informations auxquelles l’entreprise pourrait accéder sur le portail du Ministère, il me paraît important de considérer que, dans ce contexte dramatique, l’entreprise puisse avoir besoin rapidement d’un interlocuteur de proximité qui le conseille et l’aide.
Cet interlocuteur privilégié pourrait être le Service de Santé au Travail auquel adhère l’entreprise et plus spécifiquement le Médecin du travail de cette entreprise.
Ne pourrait-on envisager de créer dans ces services, une structure médico, psycho, sociale qui permette de répondre à tous les besoins de l’entreprise pour ce qui concerne les actions de proximité :
- les démarches auprès de la famille
- les démarches administratives
- les démarches de soutien auprès du personnel
- le suivi des salariés en difficulté
- les enquêtes
- les actions curatives et préventives au niveau des conditions de travail
A ces fins : Information des adhérents, formation des Médecins en santé au travail sur le risque psychosocial et ses drames, équipe pluridisciplinaire d’intervention pour optimiser la prise en charge et le suivi du personnel de l’entreprise dans son ensemble.
Docteur Elisabeth Font-Thiney