Elisabeth Font-Thiney

EVTS

Pour nous contacter :

06 07 04 02 85

Nos valeurs :

Très attachés aux valeurs éthiques et au code de
déontologie qui régit notre
profession, nos interventions
s’inscrivent dans le cadre
très stricte du respect du
secret professionnel,
du secret de fabrication
et du secret médical.

Liens :

Publications

Crises, restructurations et santé

Le suicide en milieu du travail

Peut on parler de son travail

Les conflits en milieu professionnel

Cas de restructuration

Peut on encore parler de son travail ?

Le point de vue que je vais essayer de développer sur la relation à l’autre en milieu de travail, est celui d'un médecin et consultant en santé au travail, qui exerce dans de petites et moyennes entreprises ; ce point de vue est construit à partir d'observations antérieures à la crise mais qui perdurent bien sûr.

Dans le contexte actuel, ce point de vue peut paraître en décalage, tant les comportements défensifs aigus, auxquels nous assistons actuellement, témoignent de situations aggravées.

Qu’observe t’on ?

Dans ce contexte où sont surtout médiatisées les manifestations bruyantes des conflits professionnels, on assiste à la disparition progressive de la parole sur le travail dans l’entreprise et le repli tout aussi silencieux des hommes et des femmes qui la composent.

Ce silence sur le travail interroge car il s'accompagne, à contrario, de manifestations comportementales et cliniques bien plus bruyantes que ne le laisserait supposer une ambiance de travail qui ne parle pas.

Il est permis de penser que ces conduites puissent être le fruit de d’une déstabilisation, voire de débordements psychiques, émotionnels, qui surgissent par le fait même que les mécanismes de régulation sociale, les coopérations, les solidarités, ne fonctionnent plus.

L’exploration plus avant des facteurs qui peuvent être à l’origine des manifestations observées, à permis de confirmer l’élargissement à l’ensemble des catégories de salariés d’une souffrance globale, qui nait des conséquences de l’accomplissement d’un travail de mauvaise qualité, mais aussi semble t’il de la douloureuse soumission à un système qui, de plus en plus, infantilise et tend à devenir immoral.

Qu’entend on dans nos consultations ?

Appauvrissement du débat sur le travail

débat qui peut même ne plus exister, trouve son origine semble t’il dans les conséquences d’une dégradation progressive mais massive de la qualité des productions.

La qualité étant entendue à la fois dans sa dimension de conformité aux normes professionnelles de production, mais aussi dans sa dimension de conformité aux valeurs éthiques et sociales qui sont inscrites par ces mêmes normes, valeurs qui fondent la qualité des relations sociales au sein de la communauté de travail.

Pour eux, être dans l'obligation de fournir un travail qui n’obéit plus qu’a des objectifs quantitatifs, financiers, éloignés des exigences du métier, et par delà accomplir un travail dans lequel ils ne se reconnaissent plus en tant que professionnel, est à la fois un acte vide de sens et une violence faite à l’identité professionnelle, individuelle comme collective.

La difficulté qui consiste à ne pas pouvoir affirmer ses compétences à l'occasion de sa pratique professionnelle est source de souffrance psychique au sens ou elle a été définie par Paul Ricoeur «l'amputation de la puissance à dire et/agir, à penser, à raconter, l'impuissance à s'estimer soi-même »

C’est toute la question du pouvoir d’action et de la façon dont les individus peuvent en disposer et en délibérer, qui est posée. Or nous le savons et les données des neurosciences le confirment, la privation du pouvoir d’action est pathogène au plan somatique comme au plan psychique.

Cette souffrance psychique témoigne de l’asservissement instrumental des individus à un travail dépourvu de toute dimension vivante, à savoir : la pensée créative (Marx). La plainte déposée dans nos cabinets ne serait elle pas l’expression ultime de la subjectivité ?

Un autre type de souffrance est perceptible à l’écoute des récits, c’est ce que les individus racontent sur la façon dont ils sont amenés, à l’occasion de leur activité, à tricher (sur les résultats, sur les procédures,…) à trahir leurs convictions morales, à participer à une forme de mensonge organisé (vis-à-vis des clients, mais qu’il faut pourtant choyer par ailleurs, vis-à-vis des collègues, de la hiérarchie) et comment leur participation à un système qu’il jugent « pourri » attente à leur fierté.

Ch. Dejours décrit ces sentiment de honte et de lâcheté qui surgissent a l’occasion de la collaboration à des mode de production qui vont à l'encontre des valeurs éthiques et morales dont les individu sont porteurs, sous le terme de souffrance éthique; « la souffrance qui résulte de l’expérience de la soumission, du consentement, de la collaboration à des actes qu'on réprouve »

Ce type de souffrance concernait jusqu’ici, me semble t’il plutôt les cadres, les managers; aujourd’hui il apparaît que l’ensemble des catégories professionnelles en fasse la douloureuse expérience et plus particulièrement dans les domaines sociaux et de santé.

Au niveau des collectifs de travail, ou du moins ce qu’il en restait, après qu’aient été mis en œuvre les modes de management que l’on sait, les conséquences en sont dramatiques. La confiance, les coopérations, les solidarités, tous les rapports que les gens nouaient entre eux autour du travail sont mis à mal, et de cela tout le monde souffre mais personne n’en parle.

Face à cette souffrance

qui semble s’accroître, les individus tentent d’ériger des stratégies défensives dont on voit qu’elles restent très individuelles, et dont la manifestation première est la distanciation, le repli sur soi, l’isolement.

Repli et isolement aussi comme réponses à la peur d'être privé de travail, pour des raisons économiques : fermeture d’ateliers, services, entreprises.

Ces stratégies défensives, en ce qu’elles privent le débat sur le travail des enrichissements individuels, obligent à un fonctionnement à minima, qui vient aggraver les conséquences d’un prescrit déjà très réducteur et peu propice aux apports personnels.

Les personnes semblent dès lors s’inscrire dans une spirale d’échec qui peut conduire à une véritable crise identitaire avec ce que l’on sait des risques de décompensation psychique et/ou somatique.

En somme

d’un point de vue clinique des conditions de travail qui se dégradent et qui sont génératrices de souffrance :

Que peut-on faire?

Une approche psycho-socio-organisationnelle

Psychisme et social ne peuvent être abordés isolément. Ils impliquent l’action concertée et conjuguée des acteurs sociaux et en santé au travail.

Les comportements humains ne peuvent être expliqués indépendamment des relations sociales dans lesquelles ils s’inscrivent et qui les rendent possibles.

Il s’agit de rechercher le sens de ces actes, ni dans la conscience des acteurs, ni dans les motivations inconscientes, mais dans l’analyse de l’ensemble des déterminations qui agissent sur ces conduites. (V. De Gaulejac).

Les conditions de réussite dépendront de l’affirmation de volontés, politique, économique et sociale.

Comment « apprendre à vivre bien, avec les autres, dans des institutions justes » référence à Paul Ricoeur, revient à poser la question de l’éthique, de l’estime de soi, de l’identité, et in fine de la santé.

En conclusion

il me semble important de dire que l’aggravation des manifestations en santé que nous observons depuis quelques années, si elle relève toujours de contraintes croissantes en termes d’intensification, complexification du travail, elle est de plus en plus imputable aux conséquences des atteintes à la dignité, à l’estime de soi, à l’éthique, éléments d’autant plus toxiques qu’ils ne peuvent accéder à la parole et être versés au débat social.

William Dab vient de rédiger un rapport concernant la formation obligatoire des managers et encadrants aux notions de santé au travail, ne pourrait on lui proposer d’inclure dans la formation, la lecture d’ouvrages importants :

Docteur Elisabeth Font-Thiney